AU PAYS DU BLIZZARD

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AU PAYS DU BLIZZARD

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Description

Voici que, coup sur coup, paraissent en traduction française les récits de deux expéditions d’exploration antarctique datant du début du XXe siècle, l’âge d’or des expéditions antarctiques. Après le récit de Apsley Cherry-Garrard*, l’un des participants de l’entreprise de Robert F. Scott, un an plus tard c’est le récit de Douglas Mawson lui-même, – parus tous deux pour la première fois en français chez Paulsen, l’un en 2008 et l’autre en 2009.

Le récit de Douglas Mawson de l’Australasian Antarctic Expedition (1911-1913) a paru une douzaine de fois en anglais de 1915 à 2007 ; une seule fois a paru une traduction en langue étrangère, en allemand, en 1922 ; les Scientific reports de l’expédition forment cinq volumes, dont le dernier, paru en 1943, entièrement dû à Mawson, est consacré à la cartographie des terres explorées. Alors que le récit de la British Antarctic Expedition (1911-1913 également) de R.F. Scott a eu un retentissement bien plus important, avec une trentaine d’éditions diverses et de nombreuses traductions étrangères, ce qui s’explique sans doute par le sort particulièrement tragique de Scott et de quatre de ses compagnons.

Scott est un Anglais, de la Royal Navy, qui veut apporter une victoire à la Grande-Bretagne. Mawson est un Australien, un géologue, universitaire. Bien qu’ils aient l’un et l’autre une bonne expérience des expéditions antarctiques, ils n’ont pas voulu monter une expédition commune, et chacun a monté la sienne sans se porter ombrage ni concurrence : leurs buts sont différents. Il est frappant, toutefois, qu’aucun des deux n’ait évoqué l’autre dans les récits, alors qu’ils se trouvaient en même temps sur le continent antarctique en 1911 et 1912. Il est vrai que Mawson n’a pas évoqué non plus le grand Amundsen, venu lui aussi sur ce même continent à la même époque…

Douglas Mawson, né en Angleterre en 1882 et  mort à Brighton (Australie) en 1952, a passé toute sa vie et fait toute sa carrière d’universitaire professeur de géologie en Australie. Aussi, lorsqu’il a décidé de monter son expédition pour explorer une partie du continent antarctique, ce sont des Australiens et des Néo-Zélandais en priorité qu’il a choisis. Le bateau de transport l’Aurora, un bâtiment de 50 m acheté à Terre Neuve, a un équipage de 25 volontaires. Après avoir d’abord déposé une équipe sur l’île Macquarie pour y installer un relais de TSF, il débarque deux autres équipes sur le continent même en janvier et février 1911 : l’une construira la base principale sous l’autorité de Mawson avec un pylône pour la TSF, et l’autre la base de l’ouest, à plus de trois mille km, sera sous l’autorité de Frank Wild.

Voici quel était le but de l’Australasian Antarctic Expedition : explorer et cartographier une partie de la côte du continent faisant directement face à l’Australie, entre la Terre Victoria (160°E) et la Côte Guillaume II (90°E), englobant la Terre Adélie aperçue par Dumont d’Urville en 1840. Cette partie est encadrée par la mer de Ross à l’est, et à l’ouest par la côte qui a déjà été reconnue par l’expédition allemande du Gauss en 1902. De chacune des deux bases sont prévues des expéditions de reconnaissance géographique vers l’intérieur du continent, vers le sud. Mais il n’a jamais été question d’atteindre le pôle sud : Mawson n’est absolument pas en concurrence avec Scott, pas plus d’ailleurs qu’avec Amundsen dont le projet lui est alors inconnu.

Le récit est composé de vingt-cinq chapitres. Mais tous ne sont pas rédigés par Mawson lui-même, à peine la moitié. Chaque chapitre est consacré à un sujet défini : -la construction de la Mawson’s hut sur la base principale, hutte qui a été si bien préparée avant le départ en pièces détachées qu’elle est le modèle des cabanes polaires de l’époque, -la cabane relais baptisée plaisamment caverne d’Ali Baba taillée dans la glace comme un igloo avec une antenne de drapeau à 3 km au sud de la base, -les fastidieux relevés scientifiques malgré l’épouvantable climat, -enfin les corvées journalières.

Mawson consacre un chapitre entier à la description du blizzard, qui force à marcher complètement courbé et aveuglé, qui emporte tout, qui annule toutes les voix dans un bruit énorme ; sa force et sa fréquence, les tempêtes successives et ininterrompues bien plus que toutes les prévisions, se révèlent terribles. Mawson écrit : « Nous vivons aux marges d’un continent où le temps n’existe pas. Seul le souffle glacé d’une étendue sauvage et infinie, doublé de la puissance dévastatrice des éternels blizzards, déferle sur la mer en direction du nord. Nous avons découvert une contrée maudite. Nous sommes au  Pays du Blizzard ».

Chaque raid est raconté par son chef d’expédition. Car ce sont les récits des raids, près d’une dizaine, de part et d’autre des bases à l’est, à l’ouest et à l’intérieur du continent au sud, de 300 à 400 km, qui forment le cœur de l’expédition.

C’est au cours de l’un de ces raids à trois, – Mawson, Ninnis et Mertz, – qu’a lieu le drame. Après avoir progressé de presque 400 km, sur la voie du retour, le 13 décembre 1912, le lieutenant Ninnis, le seul Anglais du groupe, tombe avec son traîneau dans une crevasse si profonde qu’il disparaît : on ne le voit plus, il ne répond à aucun appel. Mawson écrit : « A neuf heures du soir, au bord de la crevasse, je lis une ultime prière. Puis, Mertz me serre la main, avec un sobre merci. Tournant alors le dos à l’abîme, nous harnachons nos chiens ». Le retour est terriblement éprouvant, les vivres, qui étaient sur le traîneau de Ninnis, manquent, les deux hommes tuent les plus faibles des chiens et les partagent avec ceux-ci. Le 7 janvier 1913, Mertz, un alpiniste suisse éprouvé, meurt d’épuisement. « Tristesse incommensurable », écrit Mawson. Il reste seul, il est encore à 160 km de la base. Jusqu’au 8 février, il va lutter, contre la tempête, les chutes dans les crevasses, les hallucinations, la faim, contre le désespoir. Il revient enfin à la base, dans un état de dégradation physique et moral qui le rend méconnaissable, avec presque deux mois de retard sur le temps prévu. Mais l’Aurora, qui était revenu pour reprendre l’équipe, n’a pas pu attendre. Et Mawson le voit qui s’éloigne, au loin, sur l’horizon. Une nouvelle année polaire est devant lui.

À la base de l’ouest, sous l’autorité de Frank Wild qui se révèle un meneur d’homme admirable, plusieurs raids partent explorer le sud, dans des conditions toujours épouvantables, mais heureusement sans drame humain à déplorer. Là aussi, les hommes acceptent de continuer une année de plus. Et c’est le 24 février 1914 qu’a lieu le retour définitif à Hobart, en Australie.

Douglas Mawson a peu parlé de ses compagnons. Il y en a trois, cependant, qu’on ne peut  passer sous silence : Frank Hurley, Frank Wild, et le capitaine John K. Davis, commandant l’Aurora. Ce dernier avait une connaissance et une expérience remarquables de la mer polaire, il était aussi d’une honnêteté et d’une fidélité sans faille ; bien qu’Anglais, il a toujours vécu en Australie, où il est mort en 1967.  Frank Wild, venu de la marine marchande, s’est révélé l’homme indispensable qui savait tout faire, d’une résistance physique et morale à toute épreuve, il a participé à plusieurs expéditions. Et Frank Hurley fut le remarquable  photographe, dont des dizaines de photos ont illustré les récits non seulement de Mawson mais aussi plus tard de Shackleton ; on regrette que son nom ne paraisse pas sur la  page de titre  du récit de Mawson, d’autant plus que celle-ci est illustrée par une de ses plus célèbres photos : dans une lumière fantomatique deux hommes quasiment couchés s’accrochant à leurs piolets, et, derrière eux, la silhouette de la Mawson’s Hut balayée par une tempête noire.

Le traducteur, Jean-François Chaix, grand voyageur, écrivain, n’a pas, à notre regret, jugé nécessaire d’accompagner le texte français d’index ou de notes, ce qui laisse beaucoup de questions sans réponses.  Mais, du moins, est aujourd’hui accessible en français l’histoire de cette épopée australienne, peut-être la plus importante expédition de découverte antarctique parmi celles de Drygalski, de Scott et de Shackleton, au début du XXe siècle.

*compte-rendu de l’ouvrage d’A. Cherry-Garrard, Le Pire voyage au monde, Antarctique 1910-1913, Paulsen, 2008. Lettre d’information N°64, déc.2008.

Gracie Delépine

Conservateur en chef honoraire à

la Bibliothèque nationale de France

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Douglas Mawson, traduit de l’anglais (Australie) par Jean-François Chaix 

Ed. Paulsen, coll. Biographies/aventures – février 2009 – broché, couverture illustrée – 15 x 21 cm – illustrations N et B : photos, plans, schémas, 13 cartes – 508 pages – glossaire 

ISBN  : 978-2-91655214-9.

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