Lîle de la possession, archipel Crozet (TAAF) : ethnologie d’une Île déserte

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Lîle de la possession, archipel Crozet (TAAF) : ethnologie d’une Île déserte

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Description

Déjà, le titre soulève débat. Une étude ethnologique implique une population et dès lors, l’île n’est plus déserte !

Ambiguïté sémantique proposée par Alain Baquier qui a séjourné entre novembre 2001 et février 2002 à la base Alfred Faure en qualité précisément d’ethnologue. Un texte au style précis, affûté, de facture très universitaire, aux mots choisis, souvent antinomiques, savants, nécessitant parfois une relecture attentive accompagnée d’un dictionnaire (qui connait le mimésis ou la prolepse ? l’usage répété de mots tels que : sursignifier, surinterpréter…). Il s’agit d’une lecture qui se mérite. Sur l’ensemble du dossier, seules les pages 28 à 30 de l’Introduction recèlent quelques confusions mineures. Cela posé, on appréciera le sérieux de l’enquête. La méthodologie utilisée semble sans faille, non suspecte de favoritisme : interrogatoire/confession de tous les acteurs de la mission, recoupements par activités, origine sociale et professionnelle, sexes, partenaires privilégiés, dépouillement des cahiers de mission et « d’arbec », rapports de parlementaires, références aux grands noms de la socio ethnologie. L’ouvrage a d’ailleurs fait l’objet d’une thèse (1), il est préfacé par Éric Fougère, directeur de la collection « des îles » et se réfère fréquemment aux « professionnels » des TAAF que sont Jean Rivolier et Claude Bachelard.

Les « sujets » de l’étude donnent au lecteur extérieur, l’impression d’avoir été examinés sous l’objectif d’un puissant microscope, une sensation pas toujours plaisante, à l’origine de dérives. Ainsi le huis clos devient redoutable lorsque tout est noté, analysé, suspecté, lorsque les personnalités individuelles sont arasées, les non-événements longuement analysés et de simples plaisanteries « surdimensionnées », l’alcoolisation par exemple, sujet de choix s’il en est, « surreprésenté » bien que… Le chapitre V (p. 151-171) vers lequel se dirigera assurément le lecteur, concerne les incidents exceptionnels qui émaillèrent la 38e mission, survenus quelques mois avant la venue d’Alain Baquier. Point fort d’une étude qui aurait pu être monotone, ils en rehaussent et réactivent l’aspect événementiel. Le récit proposé apparaît à nos yeux profanes, comme la conséquence d’un casting raté. Il relèverait d’une pathologie qui, comme telle, justifierait d’un secret (médical) au moins partiel (2). Je ne saurais l’affirmer. Cela devrait être pour longtemps, un cas d’école pour l’Administration. D’autres sujets finement analysés foisonnent en arborescence et montrent une évolution permanente et rapide dans la structure et le fonctionnement catégoriel de cette microsociété. Cela commence par l’ésotérisme du vocabulaire taafien de plus en plus fourni, se poursuit par le poids des festivités, notamment de la midwinter et l’apparition du bouffon « onzecro », bientôt suivi d’une « Miss Cro » (3), la cristallisation de mini groupes métro/réunionnais, statut/profession, responsables/ administrés, discro/médecin, hommes/ femmes, du rôle sociétal-pivot et probablement excessif du « bouc émissaire » etc. Il serait regrettable que l’Administration, qui n’a guère évolué depuis l’époque coloniale (§ VIII, « la société contre les TAAF » p. 217-218) n’apporte une indispensable réflexion à toutes ces transformations.

Un « ancien » comme moi (qui ne s’est jamais considéré en « héros polaire »), qui a vécu le tout premier débarquement à la baie du Navire en décembre 1961 et séjourné avec quatre compagnons en total isolement à l’île de l’Est (déc.1975-janv.1976), ne se reconnaît pas dans la peinture brossée par Alain Baquier. Certes depuis cette lointaine aventure, beaucoup de temps a coulé. Cette étude ne porte que sur une campagne d’été et le recul nécessaire est probablement insuffisant. Certes, il y a eu le cloisonnement Territoire-IPEV. Certes, il y a eu la mixité, les touristes, une réglementation sécuritaire et contraignante, de nouveaux objectifs et de nouveaux intervenants. Certes… J’ai le sentiment que nous sommes passés insensiblement (n’ayons pas peur des mots) d’une société ouverte d’initiative à une société de routine qui m’apparaît fermée, cloisonnée, catégorielle. Non, ici comme dans les autres districts où j’ai été amené à séjourner parfois longuement, je n’ai ressenti cette pesanteur angoissante née peut-être avec le numérique et Internet, qui abolit les distances et les différences, conduit au repli, à l’enfermement individuel, au pantouflage. Je ne saurais dire. Il reste que dans la lecture de l’analyse ethnologique menée par Alain Baquier, je suis frappé par l’absence totale à toute référence à l’environnement naturel, au cadre minéral, végétal et animal dans lequel évolue et se façonne cette microsociété et qui en est sa justification. Celle d’un groupe affecté là précisément pour l’étudier, le protéger sinon le valoriser. Bien des années passées, une image reste très forte en moi, lorsque j’atteignais pour la première fois ce plateau pierreux et désert qui deviendra la base Alfred Faure. J’eus la vision dans le lointain de l’île de l’Est, bastion physique et intellectuel, inaccessible et mythique, coiffé de nuages, paré de couleurs irréelles et changeantes. L’île est et restera l’horizon, le fantasme et le point focal de toutes les missions futures à Alfred Faure. C’est ce jour-là et en ce lieu, que j’eus conscience du « syndrome austral », aujourd’hui apparemment bien oublié (4).

En conclusion, et malgré une lecture parfois ardue, un ouvrage considérable qui aura toute sa place, notamment sur les bureaux de l’Administration des TAAF et auprès des locataires d’Alfred Faure et autres bases, pour leur éviter de devenir les mercenaires, gardiens du désert des Tartares (5) austral.

NDLR : En vente à la Boutique.
(1) Université de Nice, février 2013. (2) Lire Le Moine bleu par le Dr Jacques Bessuges (Blainville/mer, 1965) qui relate son difficile hivernage à Amsterdam. (3) Et même d’un « douzecro » ! (4) Les Corsaires des Terres Australes, pp.379-385 (Éd. de la Dyle, 1999). (5) Dino Buzzati, Le Désert des Tartares, (Éd. Robert Laffont, 1949).

Jacques Nougier

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

par Alain Baquier

Éditions Petra – avril 2015 – 274 pages

ISBN : 978-2-84743-111-7.

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