Marcher à Kerguelen

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Marcher à Kerguelen

Prix : 19,50

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Description

J’ai ouvert cet ouvrage avec appréhension, je l’avoue. Marcher à Kerguelen est le récit d’un long trek méridien du cap d’Estaing à la plage du Gros-Ventre et de là, jusqu’au lac de Larmor.

Il y a 54 ans déjà, j’avais effectué des segments de cet itinéraire et séjourné dans de nombreux sites remarquables décrits dans ce périple. Il m’est vite apparu impossible de rendre-compte du livre de François Garde sans établir un dialogue avec l’auteur, comparer nos impressions ressenties, identifier ce qui a changé ou ce qui reste immuable. On me pardonnera donc cette incursion dans des souvenirs personnels, des digressions qui demeurent la substance du sujet et qui n’ont pour but que de l’enrichir. Décembre 1961 : débarqué de la cale du Gallieni comme appelé de 2e classe du contingent destiné à la pacification des djebels algériens, je fus projeté pour 15 mois comme géologue volontaire, sur ces îles très largement inconnues, largué avec deux accompagnateurs (1) bidasses comme moi, pour des déposes « en autonomie » de 10 à 15 jours à chaque fois. C’était selon la bonne volonté de la météo, sans carte (2) ni GPS, ni radio, vêtus de treillis et bottes, nourris aux cartons de rations de combat. Nous serions récupérés selon les disponibilités.

Novembre 2015 : ancien tout puissant administrateur supérieur de ce Territoire, vous étiez pour 25 jours de retour sur votre fief pour un pèlerinage de mémoire, accompagné d’un médecin et de deux autres compagnons entraînés. À vos souvenirs s’ajoutaient cartes, GPS, radiotéléphone, dépôts forains, refuges, équipements et vivres sélectionnés. De toute évidence nous ne figurions pas dans la même catégorie, et bien minces étaient les chances de nous comprendre. D’ailleurs, dès les premières pages, cette divergence s’est confirmée : votre dépose héliportée au cap d’Estaing n’eut pour écho que ma pénible grimpée pédestre en ce même lieu nourri d’histoire. Auteur célèbre et lecteur de Jules Verne, je vous attendais de retour à la plage de PortChristmas afin d’évoquer l’auberge du Cormoran vert. Nenni ! Vous lui avez tourné le dos et préféré la soufflerie du lac de Rochegude qui ne manque pas de grandeur je vous l’accorde. C’était le premier signe. Je me suis laissé apprivoiser, Monsieur le vice-président du Tribunal administratif de Grenoble, lorsque vous avez pris à l’abordage les mesas de Loranchet. On ne peut résister à ces reliefs extravagants qui vous narguent, telles de monstrueuses langues de chat. Renonçant à décrire chaque relief, chaque vire, cascade, souille, torrent, chaque gué, glacis, éboulis instable ou névé traître, vous avez préféré traiter ce décor en aquarelle, un lavis bien de saison, tout en nuances fondues de couleurs déstabilisées par une soudaine bourrasque, un rai de lumière, un grain de neige incongru, un brouillard imprévu comme lors d’une assourdissante accalmie. Là, j’ai reconnu les Kerguelen de mes souvenirs et nous parlions de la même voix. Je me suis même dit, avec tout le respect que je dois à un écrivain célèbre et couronné, que nous avions des tripes de calibre semblable lorsque vous confessez humblement votre « trouille ». Oui je l’avoue, l’avoir eu aussi en permanence.

La trouille de l’accident, du banal incident, l’impossibilité de prévenir, d’agir, la crainte de se dissoudre misérable sur ces laves oubliées de tous. Oui, nous avons bien parcouru la même terre. Visiblement ce retour à Kerguelen vous a inspiré, un parcours initiatique dont JeanPaul Kauffmann a ouvert la voie (3) pour d’autres motifs. Votre chemin de Compostelle – en admettant cette comparaison justifiée – fut varié et monotone, physiquement éprouvant, respectueux d’un paysage que vous vous étiez engagé par principe à restituer en l’état. Vous vouliez le traverser en transparence, afin que l’empreinte de votre passage fût si fugace qu’elle en serait invisible. Perfectionnisme superflu à mon goût, puisque toute trace s’estompe et s’efface pratiquement à l’instant où elle se crée. Je mérite une mauvaise note en n’ayant pas remis à leur place les godons et murets de protection de notre tente ! D’ailleurs, convenons que nos précaires et modestes constructions humaines (4) retournent vite au néant, dès lors qu’elles ne sont plus entretenues : c’est un argument économique fort pour les partisans d’un retour à la nature primitive. Comme probablement dans d’autres déserts minéraux, il n’y a pas à Kerguelen de « piste reconnue ».

Chaque itinéraire est différent, mais aussi un peu semblable, chaque expérience est unique, mais évoque des souvenirs similaires. Ce fut le cas pour chacun de nous, et l’opportunité de constater les bouleversements provoqués par le réchauffement climatique et sa conséquence directe qu’est l’impressionnante fonte des glaciers, comme en témoignent cartes et photos par satellite : Vallot, Naumann, Ampère, Arago… n’ont plus rien de commun avec ce que nous avons connu, époque où j’assistais, médusé, au vidage du lac du Bouchet dans les rimayes béantes du Cook. Une géomorphologie en pleine activité, preuve si nécessaire, de l’importance de raids comme le vôtre. Déclarés d’intérêt public, ils devraient être régulièrement programmés et non délivrés, tels des faveurs, avec la parcimonie spécifique aux « réserves intégrales ». Pour rester sur ce sujet sensible, j’ai envié AMAEPF l’ancien représentant de l’État en Nouvelle-Calédonie, qui eut la chance d’être bousculé par des hardes de rennes (5) et j’imagine le galop de leurs sabots résonner sur le sandur des vallées… comme j’apprécie le goût des truites sauvages et regrette l’extermination des mouflons de l’île Haute. L’ancien directeur de Val d’Isère, pourrait-il au nom d’une certaine écologie qui se réfère au Jugement Dernier, trier les espèces à conserver et celles à supprimer ? « L’île est nue, Kerguelen est une page blanche sur laquelle nul ne parvint jamais à rien inscrire » écrivez-vous. Un constat, une responsabilité aussi, car une parole d’ex-préfet est écoutée et engage. Il faudra prouver que la colonisation britannique des Falkland a saccagé les Malouines. Revenons à votre ouvrage que je n’ai pas quitté, malgré les apparences. Votre équipée a eu la chance méritée d’accéder à quelques sites remarquables, que vous avez admirablement décrits, car ils constituent les points forts de votre trek. Les voluptueuses baignoires d’eau chaude du val Travers et la plage du Gros Ventre, terme austral de votre raid, en sont de bons exemples.

Cinquante-quatre ans plus tôt, accompagné de deux camarades, nous descendions le boulevard de la vallée des Sables où nous avions établi un camp sommaire, au pied des moraines d’Arago. Entre deux rafales de grésil dévalées de St-Allouarn, s’est découvert le temps d’un entracte, le mont du Commandant et sa structure d’exception, toujours gardé par la même famille de papous curieux. Passage de témoin. Vous avez d’ailleurs intuitivement perçu ce Graal de la géologie, face à la clé exceptionnelle qui ouvre la porte de la genèse de l’océan Indien. Mais nos préoccupations, nos regards étaient différents, c’est bien normal. Tenu par la trouille toujours présente, je devais assumer dans la précipitation d’une éclaircie, une interprétation qui n’allait pas de soi et engagerait pour longtemps. Et la plage chargée d’histoire qui vous reçoit, fait toujours le grand écart entre le débarquement raté d’Yves de Kerguelen, la découverte d’activités volcaniques fumantes et la poussée inexorable d’un pluton, verrue granitique de plus de huit millions d’années sous une chape de basaltes épanchés vingt millions d’années plus tôt… On n’entre pas impunément dans la Sainte Chapelle. Et je comprends parfaitement, qu’en traversant les hauts plateaux des Portes du Cook, vous évoquiez la Genèse et Caïn, le fils chassé sur les scories bibliques d’un utopique Paradis. Cela n’est en rien irrespectueux. Poursuivant votre chemin, l’écrivain multicartes (6) et ses compagnons atteignent un autre sommet esthétique de Kerguelen : la baie Larose qui fait ombrage à celle de Rio-des-Tropiques. Il faut reconnaître que nous avions bien choisi le site. Dans les grottes du Peigne, dos à la montagne, car seule la plage les intéresse, les équarrisseurs d’éléphants nous attendent et se reposent de leurs rudes journées, ils y entreposent leurs outils que je suppose toujours présents.

Nos trekkeurs du XXIe siècle ont tout compris à travers le temps qui a tout figé. Eux, s’inquiètent à juste titre de la manchotière de Sainte-Anne qui périclite et contemplent la forêt de monolithes de la plaine de Dante qui, au contre-jour du soleil couchant, ressemblent aux pendus des cintres de l’Opéra. Mais leur dernier spectacle est réservé au Seigneur Ross caparaçonné de glace qui se découvre avec rudesse et insolence, justifiant un brin de satisfaction sportive. Que François Garde ne boude pas ce laisser-aller passager. En janvier 1962, et je m’en souviens encore, j’ai eu la même bouffée de plaisir et d’étonnement à atteindre le Piton Central, contempler le cratère du haut de la Table qui en est son plus magnifique belvédère. Je referme ce livre et demeure de longs instants sous le charme du style, de l’écriture précise et fine qui m’évoque Philippe Delerm, des images fortes qui s’imposent et transmettent des questions soulevées auxquelles il n’est pas évident de répondre. De ce « périple modestement inutile…où chacun s’y noie avec ce qu’il a apporté », que retenir ? Certes, un voyage intérieur cadencé par le martellement des sabots des hardes de rennes rencontrées au détour des vallées sombres (7). À l’étape, notre marcheur effleure un sujet sensible : « Cette île n’a jamais enrichi personne, tous ceux qui ont cru pouvoir faire fortune ont échoué car ses trésors ne sont ni monétisables ni exploitables ». Le sujet est cependant ouvert depuis sa découverte et devrait questionner l’Administration qui, pour d’obscures raisons, en ferme l’accès. Une autre question m’interpelle : quel accueil réserveront à cet ouvrage, les résidents temporaires de Port-aux-Français ? Ils vivent dans leurs cabines formatées et climatisées, rythmées par les vacations de Skype… Que perçoivent-ils de ce monde fascinant, mais qui leur est inaccessible, clos par l’invisible virtuelle barrière de la Réserve ? Au-delà de la brillance du style, que ressentiront-ils : de l’envie, de l’admiration, de la frustration ou de l’indifférence ? Au final, ce livre prétexte à un raid engagé sur un paysage d’exception, aura été le catalyseur d’une réflexion intérieure de qualité, telle que le passant terrestre se donne rarement le temps de faire. J’aurais aimé en être le cosignataire.

Il n’en aura pas été ainsi. Telle sera ma punition. Jacques Nougier (1) Philippe Leclercq, Jacques Maillard, Georges Polian, Jean Volot, entre autres porteurs de godons. (2) Nous ne disposions que de la carte marine dite du SHM, où l’intérieur de l’île n’était figuré que par un grisé uniforme rehaussé de quelques hachures. (3) L’arche des Kerguelen, Flammarion, 1993. (4) Cabanes de phoquiers, refuges de Port Christmas, baie Larose, anse du Gros Ventre, Port-Jeanne d’Arc, Larmor, station du Gauss… (5) Un dénombrement récent a-t-il été effectué et l’impact sur le couvert végétal mesuré ? Le sort des rennes est-il associé à celui des mouflons ? (6) Ce qu’il advint du sauvage blanc (2012), Pour trois couronnes (2013), La baleine dans tous ses états (2015), L’effroi (2016) et également : Paul-Émile Victor et la France de l’Antarctique (2006), chroniques à France-Culture (2004) et France-Inter (2013, 2015). (7) Eux seuls ont réussi à créer des sentiers et laisser une trace… * * * * * Le livre de François Garde relate la manip rêvée par les très nombreux hivernants randonneurs de Kerguelen : la traversée nord-sud de la Grande Terre. Une sorte de Graal inaccessible. Nombreux sont ceux qui ont imaginé les divers itinéraires de ce parcours sur les trois feuillets de la carte IGN de Kerguelen au 1/100 000. En prélude, l’auteur présente le contexte de l’organisation de cette randonnée et les quatre participants qui s’engagent dans une sorte de pèlerinage : « Kerguelen, comme un aimant ». Le véritable récit de cette randonnée de 25 jours est le journal de l’auteur dans le décor unique des paysages de matin du monde qu’offre l’ouest de l’archipel, loin de Port-aux-Français. Il exprime avec sensibilité les perceptions du manipeur qui doit respecter l’agenda prévu tout en affrontant de rudes conditions météorologiques, des défaillances physiques ou mentales, voire des difficultés de relations avec les autres marcheurs. Il parle du réconfort trouvé dans la beauté d’une vallée minérale, dans l’émotion provoquée par la rencontre d’un oiseau, dans l’évocation d’une œuvre musicale, dans la recherche d’une rencontre virtuelle avec un être cher et dans moultes autres divagations de l’esprit. L’écriture est belle. Le lecteur, ancien hivernant de ce district, accompagne volontiers l’équipe de trekkeurs. Il reconnaît des lieux, des situations, des sentiments, des perceptions, vécus à l’époque. À son tour, il ressent à nouveau fortement « Kerguelen, comme un aimant ». Il recherche ses vieilles cartes IGN et part en manip…

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Récit par François Garde

Éditions Gallimard, Collection Blanche – février 2018 – Format 14 x 20,5 cm – broché – 238 pages – 1 carte

ISBN : 978-2-07-014885-1

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