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Douze ans après avoir descendu les dernières marches de la passerelle du Marion Dufresne II et jeté un dernier regard à la silhouette effilée devenue amicale d’un bateau qui me ramenait des Kerguelen, un rien fatigué par un mandat de chef de district et une fin d’hivernage, traditionnellement la partie la plus dure d’un séjour dans les terres australes, qui clôture les missions, je m’apprête à repartir vers ces horizons lointains aux latitudes rugissantes et hurlantes, qui font fantasmer les marins de la planète et qui ont forgé les récits des explorateurs et des skippers les plus fameux.

Un mélange d’excitation, d’impatience, de crainte fourmille dans mon estomac, mon cerveau ressasse les souvenirs de cette tranche de vie, un point d’inflexion de mon parcours, qui m’avait lavé de mes échecs, de mes remords, de mes regrets, un poids accumulé si pesant la quarantaine venue qu’il m’empêchait de devenir ce que j’étais vraiment.

L’année nietzschéenne passée dans ces contrées sauvages, sanctuaires naturels réservés à la science et à quelques programmes classifiés m’avait tellement requinqué, que l’envie d’y revenir, pour comprendre, pour remercier, pour  ressentir à nouveau une telle sérénité ne me quittait pas depuis quelques années.

En 2021, ce vœu s’est exaucé, l’amicale des anciens des missions polaires et australes dont je suis un des administrateurs bénévoles, dans le cadre de la convention qui la lie aux Taaf m’offre une nouvelle occasion de humer les embruns austraux, de plonger au cœur d’une faune et d’une flore unique, de laisser la nostalgie s’emparer de moi et me serrer le cœur.

Cette fois, ce voyage ne m’encombrera pas de la responsabilité qui m’avait contraint en 2008, dès les premiers instants à revêtir le costume de chef de district et à ajuster mon comportement aux attendus de ma lettre de cadrage remise par le Préfet des Taaf, la veille du départ à l’instar de celle du DISCRO, du DISAMS et du DISTA.

La seule mission qui m’incombe est de représenter l’association, qui œuvre notamment pour la préservation de la mémoire et du patrimoine des Terres australes et antarctiques françaises. Ainsi, je donnerai toute sa place à la contemplation, à l’émotion, à l’émerveillement devant la beauté de la nature, sa crudité.

Mais, avant, il me faut passer par une quatorzaine, la période d’isolement obligatoire pour toutes les personnes même vaccinées qui se rendent dans cette partie du monde.

Lorsque j’ai appris que celle-ci se déroulerait dans un hôtel dénommé le Terre sainte à la Réunion, je n’ai pu m’empêcher de sourire, c’est donc Saint-Pierre qui m’ouvrira les portes d’un paradis sans embouteillages, coups de klaxon accompagnés d’invectives injurieuses, sans téléphones portables, sans centre commercial, bref sans tous les excès de la société de consommation qui la rendent souvent insupportable …

si la COVID-19 ne s’intéresse pas à moi !

Depuis quelques minutes à 18h30 heure locale, précisément, le confinement a débuté et j’ai regagné ma chambre pour 14 jours, non sans avoir préalablement goûté à la douceur d’un bain à la petite plage et d’une petite sieste sur le sable …

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